J’ai 35 ans et d’aussi loin que je me souvienne, à chaque printemps les germes des détox en tout genre poussent tel du chiendent. Voilà qu’aux premières jupes l’herbe folle s’empare des couvertures des magazines et bien évidemment des réseaux sociaux.
Enfin, et il est extrêmement important de l’écrire ici, certaines personnes reçoivent la recommandation de perdre du poids pour des raisons de santé (la croissance de l’obésité l’attestant), la majeure partie des nutritionnistes ne sont pas des charlatans et l’intention des entrepreneurs du digital dans cette industrie-là, à ses prémices, n’était très certainement pas malveillante.
C’est du moins ce que j’ai pu voir, vivre, constater en travaillant dans ce secteur dans les années 2010. J’ai croisé des professionnels brillants, honnêtes et vu de mes propres yeux de véritables success stories en termes de santé. Seulement, avec le temps les choses ont évolué et aujourd’hui on ne peut plus passer à côté de l’aspect néfaste de certains programmes minceur (en ligne ou pas) ignorant les dégâts sur la santé mentale possibles, passant à côté des résultats sur le long terme, participant à la diet culture.
La diet culture et le marché de la minceur
Faits et chiffres sur le marché de la minceur
La diet culture était bien inconnue des femmes jusqu’à il y a peu de temps et ce malgré ses racines anciennes qui sont bien loin des méthodes express aux noms d’oiseaux aussi exotiques que les preuves scientifiques qui les accompagnent. La nouvelle génération sera plus au fait des mésaventures possibles et tant mieux. L’émergence des influencers anti diet culture ou body positive l’atteste. Ceci dit, le marché de la minceur reste juteux comme le montrent ces quelques faits et chiffres :
- Selon Xerfi, le marché spécifique de la perte de poids représente en moyenne 2,5 milliards d’euros par an,
- Le taux de croissance de ce marché est de 7% au niveau mondial,
- Aux USA, cette industrie représente 71 milliards de dollars,
- 90% des personnes qui suivent un régime alimentaire restrictif reprennent le poids qui a été perdu dans les 5 ans qui suivent l’expérience,
On peut donc en conclure que l’industrie de la minceur est aussi lucrative qu’inefficace !
Le recul du marché de la minceur
Ce fait devenant de plus en plus visible, forcé par la constatation parfois désolante des consommateurs qui perdent espoir, les entreprises de la minceur se sont adaptées. Il faut dire que pour la première fois depuis bien des années (décennies ?), le marché a connu un recul de -5.2% en novembre 2019 en comparaison à novembre 2018.
Le miracle financier ne fonctionnant plus, les chercheurs d’or ont dû creuser de nouvelles pistes ! J’imagine parfois pour le mieux, considérant ENFIN la santé physique et mentale, l’accompagnement personnalisé et sérieux, la condition pluridisciplinaire indispensable de ce dernier…je n’aurais pas d’exemple à vous donner dans ce cas-ci mais plutôt des observations de l’adaptation de l’offre et du message d’un point de vue marketing.
Marché de la minceur et messages marketing
Pour les pirouettes marketing les plus évidentes :
- Un nouveau « wording » alimentant une proposition rafraîchit, adaptée à l’appétence du consommateur pour des approches plus douces, holistiques, naturelles. Ainsi on passe de la solution miracle au « rééquilibrage alimentaire » ou encore du focus sur le poids à une proposition enrichie avec des exercices physiques, la rendant ainsi plus « lifestyle ».
- Une nouvelle identité pour certains et je pense alors au double W qui saura à travers cela peut-être noyer les critiques de l’ancien nom de marque dans un référencement web nouveau.
- De nouveaux produits minceurs aux apparences léchées, s’étant appropriés à la perfection les codes des réseaux sociaux. Ils sont vegan, produits en France, enrichis en vitamines ou encore proposent un format fun et pratique pour un mode de vie moderne, comprendre pressé.
- De nouveaux canaux et expériences utilisateurs avec l’avènement des applications mobiles. Je pourrais même parler de cible éduquée, qualifiée car déjà habituée à compter les calories depuis bien longtemps. On l’a rêvé, l’app le fait pour nous en comptant les calories et le nombre d’heures de jeûne. Ce tracking des moindres faits alimentaires et gestes plus ou moins sportifs permet de ne plus « se prendre la tête ». Le cas des applications de jeûne intermittent est flagrant, voir totalement alarmant.
Et comme l’on aborde le jeûne intermittent ici, j’en profite pour rappeler que toute forme de jeûne alimentaire est proscrite pour les personnes ayant souffert ou souffrant de troubles alimentaires.
Pour résumer concernant ces nouvelles propositions : seul face à l’écran, la barre chocolatée au packaging colorée en poche, tracké de la tête à l’intestin, se rassurant tant bien que mal de la portée « bien-être » et stylée de la démarche, le comportement en résultant est exactement le même : celui de la restriction.
A ces lignes certains se demanderont comment est-ce qu’il peut en être autrement quand on veut perdre du poids. D’autres mettront en avant le fait que c’est le choix de chacun de consommer ou pas ses services et produits minceur. En réalité, du fait que l’extrême majeure partie des personnes qui commencent un régime n’en ont pas besoin et que la pression concernant l’apparence physique est puissante, il ne s’agit ni de perte de poids intrinsèque (mais plutôt de questionnement sur les racines de cette volonté), ni de libre-arbitre (mais plutôt de capacité à déconstruire des messages que l’on nous donne à voir).
Sortir la tête de tout cela n’est pas chose aisée !
Top 5 des questions à vous poser lorsqu’un produit ou service minceur attire votre attention
Un petit exercice pour se questionner : intox ou détox ?
1/ Malgré le fait que les quantités alimentaires ne soient pas forcément réduites, voire parfois illimitées avec certains aliments, est-ce que l’apport calorique journalier est limité (voir certains aliments interdits)?
Si oui, malgré les airs de confort de la formule proposée, il s’agit bel et bien d’une restriction alimentaire. Au-delà des aliments dont vous allez priver votre organisme, cela aura une répercussion sur votre mental en créant notamment des interdictions alimentaires.
Rappelez- vous que vos besoins sont changeants, que la quantité de calories journalière ou encore l’IMC comme seuls indicateurs sont totalement insuffisants. L’interdiction alimentaire diabolise une certaine catégorie d’aliments (vus comme trop gras, trop sucrés) et fait naître le sentiment de culpabilité, de la frustration. Elle fait également entrer dans le cercle vicieux : restriction, compulsion (ou écart), compensation (rattrapage).
2/ Est-ce que l’accompagnement qui m’est proposé prend en compte mon mode de vie, mes antécédents, ma santé au-delà de la question du poids ?
Si non, il est clé de se rappeler que la santé ne dépend pas du poids uniquement. Considérer l’humain dans son ensemble afin de l’accompagner au mieux sur le chemin de la santé ou du bien-être n’est pas une science exacte et robotique. Cela ne peut se traduire uniquement en quelques formules d’accompagnement issues de questionnaires faisant intervenir que peu d’éléments, principalement autour du poids, de l’objectif associé, des habitudes alimentaires, en occultant tout le reste. Dans bien des cas, la fluctuation du poids est d’ailleurs elle-même assujettie à des facteurs dépassant la simple prise alimentaire et dépense énergétique.
3/ Est-ce que je suis motivée par des témoignages de personnes qui ont atteint leur objectif minceur, notamment à travers des photos « avant / après » ?
Si oui, je rappelle que la perte de poids est possible avec des régimes minceur. Elle l’est le plus souvent sur le court terme et elle ne prend pas en considération les autres aspects de la santé (mentale notamment).
Les photos « avant / après » sont une tactique marketing bien connue de la diet culture. La minceur représente une réussite incontestée, promesse de bonheur. Elle est plébiscitée, congratulée et enviée par la communauté qui suit la même méthode minceur, donnant une certaine fierté à la personne concernée et un espoir à celles qui l’entourent. Il s’agit de motiver les troupes et de faire grandir cette communauté … de clients.
Deux autres points sont à soulever ici :
- L’attachement identitaire à l’avènement de ce « nouveau moi » qui est principalement déterminé par le chiffre sur la balance. L’attachement, en général, est la cause de bien des maux. Quand celui-ci est lié à la variation du poids sachant qu’il est fortement probable que celui-ci varie, le risque de mal être est extrêmement élevé.
- Même en faisant partie du petit pourcentage de personnes ayant atteint l’objectif de poids sur le moyen et long terme, beaucoup cherchent à aller plus loin en perdant davantage de kilos. Les motivations à cela sont diverses (regard positif d’autrui qui doit être maintenu, insatisfaction constante vis-à-vis de soi, peur bleue de reprendre du poids…) et les répercussions sur la santé peuvent l’être tout autant (carence, trouble alimentaire, dépression, addiction…).
4/ Est-ce que le corps est à un moment présenté comme un objet de par l’approche ciblée de la perte de poids, contraint sous le joug de la volonté qui fait office de seul élément de succès ou d’échec ?
Si oui, la dissociation avec le corps est un phénomène pouvant être grave. Elle est très présente chez les personnes qui souffrent de troubles des conduites alimentaires mais aussi chez celles qui n’en souffrent pas. Elle étouffe les signaux que le corps donne, contraint à filer comme le mental l’impose. Souvent le corps est perçu comme l’ennemi (qui n’écoute pas suffisamment), un ensemble devant être malléable, parcellisé. Non, le corps n’est pas un ensemble de parcelles que l’on peut modifier à souhait et en fonction de sa propre volonté.
5/ Est-ce que le nombre de clients ou de followers est un argument pour vous ?
Qui de mieux que Coluche pour donner une réponse : « ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison ».
Qu’aurions-nous de si sale à laver que le corps ne puisse gérer tout seul ?
Le mot détox est largement présent dans la Diet Culture, le limitant à la seule pratique de cures express et parfois sévères, tout en le diabolisant par extension logique. Et pourtant, nous avons tous ressenti un jour le besoin de se « detoxifier », de mettre notre corps au repos (sans qu’il soit nécessairement question de perte de poids). Les animaux le font merveilleusement bien lorsqu’ils sont malades par exemple. Ils jeûnent, dorment… laissent le corps faire son travail afin de combattre la maladie.
Là est le premier point que je souhaite soulever, le corps élimine ses déchets tout seul et sans arrêt ne serait-ce que par la respiration. Vous n’avez initialement pas besoin d’une approche interventionniste concernant l’élimination car la force vitale ainsi que tous les mécanismes que le corps met en place tendent toujours vers l’équilibre et la pleine santé. Ils la permettent, tout comme de nombreux mécanismes dont nous n’avons pas conscience dans notre quotidien.
Nos terrains, modes de vie, le vieillissement, la santé mentale ou encore les évènements de la vie viennent « encrasser » le mécanisme d’élimination. Et dans le cas de grands déséquilibres, tels que les maladies auto-immunes, le corps n’est plus en mesure de retrouver l’équilibre initial. Ici et seulement ici, l’intervention est plus que nécessaire, servant le soutien préventif doux ou la curation quand l’encrassement est trop grand.
Les techniques de soutien et de soin divergent en fonction des symptômes, des pathologies, n’excluant pas des interventions allopathiques quand cela est nécessaire, bien évidemment.
La détox peut être ainsi enclenchée pour aider le corps dans son ensemble à éliminer de façon plus efficace, permettre une meilleure circulation de l’énergie, la santé des émonctoires et autres organes vitaux…les effets d’une détox étant aussi nombreux que les besoins auxquels elle vient répondre, je ne saurais tous les lister. Seul l’accompagnement par un professionnel, tel qu’un naturopathe, permet d’instaurer des pratiques adaptées.
A certains égards, le corps a besoin d’un coup de pouce ou d’une intervention lourde quand le déséquilibre est trop important. Pour le reste et si on tend vers l’équilibre en suivant les règles de la vie proposées par la naturopathie par exemple, le corps connaît le chemin de la santé. Tout est connaissance.
Le second point est celui du rapport à la detox.
Le rapport à la détox
Afin d’illustrer ceci, voici quelques situations qui s’opposent dans le rapport positif et négatif à la detox :
- « Je veux faire une détox pour perdre du poids » VERSUS « La detox m’est conseillée pour palier à tel ou tel symptôme, signal que j’ai un déséquilibre quelque part »,
- « La détox c’est forcément arrêter de manger » VERSUS « La détox peut être associée au jeûne mais ce n’est pas la seule approche possible »,
- « Je supprime tout » VERUS « Je rajoute des aliments plein de vitalité, je me complémente (en étant conseillé pour cela) »,
- « Certains aliments sont forcément mauvais car ils encrassent mon système digestif, je n’en mangerai plus jamais » VERSUS « Certains aliments n’ont pas trop d’intérêt d’un point de vue vitalité mais de temps à autre ça me fait du bien d’en consommer ! »,
- « Chaque petit écart nécessite une grande détox » VERUS « Je considère ma santé dans son ensemble et dans le temps, ainsi je ne prends pas mes petits écarts comme des catastrophes mais je suis conscient que si j’en fais trop cela aura des conséquences sur le reste de ma santé ».
L’équilibre est sagesse, comme vous pouvez le comprendre avec ces quelques exemples.
Le fait de ne pas être dans la culpabilité, le jugement trop sévère envers soi-même est aussi sagesse.
En lisant cet article, en écoutant des discours allant dans le même sens, en ayant des pratiques qui nourrissent l’acceptation de soi, petit à petit la bienveillance envers soi-même s’installe et tous ces régimes ne sont plus nécessaires.
Namasté,
Alexia
À propos de l’auteur
Alexia Michel
Je m’appelle Alexia Michel et je suis la fondatrice de Yoga & Peanut Butter. De la Chine en passant par l’Inde à la France, du marketing digital au yoga, de l’anorexie à la guérison… je vous dis tout dans l’onglet “qui suis-je”.